[Taïteul]
jeudi 19 octobre
Chapiteau Pléiade – La Riche
Cie la Scabreuse
Premier problème : comment classer ce spectacle ? Parfois, les « cases » se brouillent par surenchère : c’est à la fois de la musique, du théâtre, de la danse. Mais ici le problème est différent : on choisit la « case » par élimination.
On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un spectacle de théâtre : on comprend bien que ces trois-là sur scène ne sont pas comédiens. On ne peut pas dire non plus que ce soit un spectacle de danse : les corps sont sous-exploités. Est-ce du cirque pour autant ?
L’ambition est grande et la volonté de créer un spectacle « total » avec musique, théâtre, danse, cirque, arts plastiques, etc. est clairement affichée.
Mais c’était quoi ce spectacle me direz-vous ?
Le fond de scène et la scène sont recouverts d’un très beau dispositif, comme une immense feuille de papier où ont été notés des milliers de mots.
Trois personnages : « Musicienne », « Acrobate » et « Jongleur ».
Le sujet : questionner le spectateur sur la perte de sens de notre monde contemporain.
Une fois le décor planté surviennent de nouvelles interrogations :
Que nous raconte-t-on ? Les trois personnages semblent habiter un monde où l’oubli règne. Des objets pleuvent, venant - on imagine - d’un autre monde. Ces objets ont de grands pouvoirs. Quand un des personnages les touche, la transe s’empare de lui et le pousse au vice. Le fil n’est pas toujours clair. Une question reste en suspend : faut-il, pour traiter de la perte de sens, créer une forme sans trame narrative limpide ?
Vous me direz : mais que t’importe de comprendre, il suffit de ressentir. Je veux bien mais on ne me donne aucune matière à ressentir. Cette corde n’est que très peu utilisée, les sensations sont primaires, les nuances absentes : ils cherchent, trouvent, perdent, recherchent, retrouvent, reperdent…
Mais que font-ils ces personnages alors ? Et bien, on ne le sait pas trop. « Musicienne » joue certes du violoncelle, « Acrobate » utilise certes de temps à autre une roue d’acrobatie, « Jongleur » jongle certes parfois avec des massues, parfois en contact avec une balle mais la plupart du temps, ils tentent de construire une histoire qui ne semble pas vraiment exister.
Le simple fait de nommer les personnages par leur fonction artistique semble louche. Quel besoin de s’affirmer comme « musicienne », « jongleur » et « acrobate » alors qu’il suffirait peut-être de l’être vraiment.
Cette équipe a voulu créer une forme nouvelle totale questionnant le public sur des problématiques profondes et on ne peut s’empêcher de se dire qu’elle n’avait pas les moyens de le faire : les techniques artistiques sont fragiles, la construction du spectacle est bancale.
Et je repars en oubliant de me questionner sur la perte de sens…
Informations complémentaires :
Jean-Michel Guy : metteur en scène, Nathan Israël : jongleur, Julie Mondor : musicienne, Tom Neal : acrobate, Jordi L. Vidal : chorégraphe, Sylvain Gorant : création lumières, Benoît Preteseille : scénographie, Laure Perini : costumes, Paola Rizza : conseil artistique.